cfdtCB40
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
Le Deal du moment :
Display Star Wars Unlimited Ombres de la Galaxie : ...
Voir le deal

Bonheur au travail : illusion ou nouvel horizon ?

Aller en bas

Bonheur au travail : illusion ou nouvel horizon ? Empty Bonheur au travail : illusion ou nouvel horizon ?

Message par Admin Mer 17 Avr - 10:21

Depuis quand parle-t-on de bonheur au travail ?

Je dirais que le bonheur au travail est devenu un thème à la mode depuis une dizaine d'années. Avant cela, dans les années 80, on s’est mis à parler de souffrance au travail. Puis la question du sens au travail est arrivée. La multiplication des boulots aux tâches abstraites et déconnectées de la réalité d’une part, le contexte de crise écologique et social d’autre part, ont fait émerger la notion d’utilité.
Cette notion a atteint son point d’orgue pendant la crise du Covid-19, avec le débat autour des « jobs essentiels ». Je remarque d’ailleurs qu’avant le Covid, la philosophie en entreprise était encore perçue comme très exotique ! Aujourd’hui il y a plus de besoin sur le sujet, ou tout du moins, il est plus reconnu.

Les métiers « essentiels » évoquent une image d’Epinal, celle d’un métier que l’on exerce par vocation (infirmier, enseignant, etc.). Mais ces travailleurs déplorent des rémunérations trop faibles.

A côté de mes activités de conseil, j’enseigne à la fois auprès de futurs travailleurs sociaux et de jeunes en école de commerce. Ce sont les premiers qui ont le plus de craintes, alors même qu’une partie de la société repose sur eux. Ils me disent : « on sait que ce qu’on fait est important, mais ça ne se reflète pas dans la façon dont on va être payés ». Les étudiants d’écoles de commerce ne se posent pas ces questions. Ils disent : « on est là où il faut pour réussir dans la vie ». C’est normal d’avoir envie de sécurité financière.
Aujourd’hui, il y a un décalage entre le degré d’utilité et la reconnaissance financière des emplois.

Il y a donc un lien entre la question du bonheur au travail et la rémunération, mais pas nécessairement celui que l’on imagine (mieux on gagne sa vie, plus on est heureux) ?

Effectivement, ce sont les entreprises les plus riches qui me demandent comment rendre leurs salariés heureux. Elles ont le luxe de pouvoir s’interroger sur ce thème. Elles me disent : « Nos collaborateurs sont déjà très bien payés. Comment les fidéliser ? ». C’est donc une préoccupation de gestion des ressources humaines.

Quelle est la représentation du bonheur au travail de ces entreprises ?

Elles croient souvent que le développement personnel serait une source de bien-être. On va proposer des services de coach, de psychologue, créer des espaces confortables, installer des distributeurs de friandises, etc. On cherche une solution individuelle. Au contraire, l’approche que je propose est organisationnelle.
Les personnes qui sont victimes d’un burn out ne sont pas mal organisées. Le problème est collectif (process trop lourds et vides de sens, etc.). Je n’axe donc pas mes accompagnements sur les RPS (sans évidemment nier le rôle essentiel de ces aspects), mais plutôt sur la culture de l’entreprise.

Ces derniers mois, les témoignages de salariés qui se disent sous pression par l’injonction du bonheur au travail fleurissent.

Dans leur ouvrage Happycratie, Eva Illouz et Edgar Cabanas pointent la pression qui est mise sur les individus. Le bonheur, c’est quelque chose de personnel. Alors parler de bonheur au travail, c’est intégrer le travail dans la sphère de l’intime. Et avec cela, on rajoute la préoccupation des entreprises pour l’engagement de leur collaborateur et leur degré de productivité. Lorsque l’on propose aux salariés de travailler à devenir « une meilleure version » d’eux-mêmes, lorsqu’on les exhorte à sortir de leur « zone de confort », on ne s’intéresse pas tant à leur bonheur qu’à leur performance.
Par ailleurs, tout le monde n’a pas le même rapport au travail. Pour beaucoup, c’est un moment de la journée, c’est gagner de l’argent pour pouvoir faire autre chose de sa vie. Le travail n’est pas toujours une fin en soi, il peut n’être d’un moyen.

Serait-on plus heureux si on arrêtait de travailler ?

Je pose souvent la question à mes étudiants. D’abord, qu’est-ce que c’est que travailler ? On visualise l’emploi salarié pour gagner sa vie. Mais le travail ce n’est pas seulement ça, c’est tout ce que l’on fait pour transformer le monde qui est autour de nous. Par exemple, le bénévolat est du travail, tout comme le travail domestique.
On parle de plus en plus du salaire universel. Je pense que même en trouvant leur subsistance dans le salaire universel, les personnes auront toujours envie, et même besoin, de contribuer à la société.

C’est en effet le propre de l’Homme : le besoin de transformer son environnement d’une part, et celui d’être intégré au groupe d’autre part. Il y a d’ailleurs une question fondamentale concernant le salaire universel et que l’on ne pose quasiment jamais : si une partie des personnes disposent du salaire universel, et que l’autre partie doit travailler pour gagner sa vie, comment apaiser les sentiments d’injustice qui émergeront nécessairement ? Comment garantir que tout le monde continue d’avoir envie de vivre ensemble ?

Cette question est complexe et mérite d’être creusée car le sentiment d’appartenance, le fait de se savoir utile aux autres nous transcende.
Je ne sais pas si l’on peut parler de bonheur, mais le fait de savoir que ce que nous faisons à une finalité palpable pour les autres est fondamental pour notre bien-être. En fait, en philosophie, le bonheur désigne un état de plénitude absolu. C’est un horizon à atteindre. Pour nous aider, Spinoza nous incite à cultiver des moments de joie. Ces moments de joie peuvent justement être cultivés en équipe : s’amuser des inévitables contraintes que comporte n’importe quel travail, partager nos valeurs, nos savoir-faire. Si bonheur il doit y avoir, le collectif pourrait bien en être une source.

Marianne Mercier exerce depuis 2016 en tant que consultante indépendante dans les organisations, afin de les accompagner sur leurs valeurs, leur culture et leur raison d’être. Elle est intervenue auprès de tous types de structures : associations, secteur de l’ESS, de la Tech, industries, etc. Elle enseigne également l’éthique appliquée en écoles de commerce, d’ingénieurs, et de travail social. Elle est engagée au sein des Nouvelles Pratiques Philosophiques, mouvement visant à la promotion d’une philosophie décloisonnée du monde académique, notamment via l’animation du média associatif La Pause Philo, dédié à la promotion de ces pratiques.

Admin
Admin

Messages : 5829
Date d'inscription : 22/02/2019

https://cfdtscb40.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Revenir en haut

- Sujets similaires

 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum